Le Delap de Sylvere Cala
J’ai rencontré François lors d’une session de formation pour les jeunes, au sein de PRS. J’y ai adhéré dès la fin du week-end, avec d’autres dont les chemins se sont éloignés depuis, et ça c’est déjà le symbole de sa capacité de conviction et de sa faculté à réunir les énergies.
Delap’ c’est ce cadre militant qui n’a pas hésité à me dire le soir-même : « demain matin tu présentes au groupe ton analyse de la loi Sarkozy (la loi pour la sécurité intérieure de 2003) ». Sympa pour moi, qui avais commencé mon expérience militante avec le CPE 6 mois plus tôt et avait un rapport plutôt lâche aux textes juridiques et … au travail personnel. Le pire ? C’est que sous cette pression bienveillante, qui n’était que l’expression de sa croyance dans les capacités de chacun, on a réussi avec ma binôme Elise à animer ce temps de travail et nous sommes repartis contents. Elle et moi nous nous sommes révélés à cette occasion, nous avons été plongés dans un groupe de travail improvisé et efficace et avons pu envisager des perspectives de militantisme inédites. Indélébile exemple de transmission d’énergie.
J’ai alors adhéré à cette petite association politique avec enthousiasme parce qu’elle rendait concrètes mes aspirations à la République sociale par le biais de l’éducation populaire. Je retiens de toute ces années de compagnonnage l’opiniâtreté du bonheur recherchée et transmise par François et Charlotte – tant pour moi les deux sont inséparables dans les enseignements dont nous avons bénéficié alors. Pour eux, il n’y avait pas un sujet, pas une réunion, pas une tâche petite ou grande, pas une manifestation qui ne méritait une remise en perspective politique approfondie et rigoureuse, qui ne portait une leçon de politique. Je me souviens aussi de leur souci de nos vies quotidiennes, particulièrement estudiantines, de l’aide qu’ils proposaient régulièrement tant étaient cohérent pour eux la réalisation de soi et l’engagement collectif.
Lorsque j’ai appris sa maladie, et son caractère irrévocable, j’ai subitement éprouvé un grand découragement. Qui allait désormais construire la lutte, construire sans relâche ce rempart à la bêtise et à la cruauté du monde, ce rempart qui sans cesse menace de s’effondrer et qui pourtant sans cesse aussi se consolide grâce à ces êtres qui allient l’exigence de la pensée avec la générosité des objectifs ? C’est encore Delap qui nous a donné la réponse.
Jusqu’au bout il s’est battu pour la République sociale, comme en témoigne ses éditos hebdomadaires dans A Gauche. Ça a été sa dernière et magistrale leçon. Tant bien que mal nous avons continué notre route, poursuivit nos combats. Nul doute qu’il manque toujours aujourd’hui, et que nous serions encore plus forts dans nos conquêtes et plus percutants dans nos contre-attaques s’il était toujours à nos côtés. Mais son héritage n’est pas vain, car nous portons encore la marque de son engagement et de ses enseignements. Bien modestement c’est sa joie de l’intelligence et de la confiance dans l’humain que j’essaie de dispenser autour de moi désormais. D’ailleurs, je constate que rien de grand en politique ne se fait encore sans le feu qu’il a déclenché. C’est à ce feu que je me réchauffe quand l’avenir ressemble à une nuit d’hiver. Et c’est fidèle à sa philosophie de vie que j’ouvre la porte et repars à l’aventure, la détermination ravivée et l’enthousiasme bien revissé.
L’enthousiasme, c’est ça mon Delap.