Chacun-e son Delap

Le Delap de Laure Zudas

14 juin 2025 | 2 minutes de lecture

Le jour où Delap’ est devenu François…
24 avril 2014, gare de Marmande, campagne des européennes.

C’est une de ces journées militantes comme des dizaines d’autres… comme celle de l’avant-veille, dans cette petite ferme viticole du Sud-Ouest où Delap’ s’est longuement entretenu avec une exploitante au bout du rouleau parce que ses conditions de vie sont indignes.

Ou comme cette autre encore, en 2011 à Grenoble, dans le silence feutré d’une salle de montage, à 4h du matin, lorsqu’il visionne mes vidéos qui seront diffusées pour le meeting de 10h. Une discussion, vive et passionnée, sur la nécessité d’avoir des images de qualités pour servir un discours politique complexe.

– Tu donnes une caméra à un militant qui n’y connaît rien, il saura toujours filmer ce qui nous intéresse, me dit-il.

Fidèle à lui-même, il défend que le fond prime toujours sur la forme et en tant que monteuse, je ne suis pas d’accord.

Ce 24 avril 2014, dans une ville de province éloignée de Paris où vous n’irez probablement jamais, il fait froid, le ciel est sale, plombé de gros nuages noirs, une pluie glacée tombe sans discontinuer depuis trois jours.

Accompagnés par la sono de la caravane rouge Mélenchon qui criaille « on lâche rien » de HK sur deux haut-parleurs poussifs, nous sommes une petite dizaine à tenter de distribuer nos tracs aux rares passagers transis et pressés qui n’en veulent pas.

Détrempés, grelottants, à peine réchauffés par le mauvais café du distributeur de la gare, nous tentons d’abriter la caméra et le matériel vidéo sous le auvent du camion en attendant Delap’ qui arrive de Bordeaux pour une réunion publique sur les dangers du Grand Marché Transatlantique.

La correspondante du journal local, qui préfèrerait être au chaud qu’à se geler avec nous, me tarabuste depuis 20 mn, pressée de rentrer chez elle, quand un SMS m’annonce que les camardes qui le véhiculent seront là dans 5 mn.

Il descend de la voiture et s’engouffre dans la gare pour répondre aux questions déjà 1000 fois posées par d’autres journalistes et lorsqu’il nous rejoint sous le auvent pour la photo de presse, il se retourne vers moi avec son petit sourire en coin, me fait un clin d’œil malicieux et lance un tonitruant « Laure, les camarades avec moi sur la photo ! ».

Ce jour-là, devant cette gare moche, en pleine campagne des européennes, dans le froid, sous la pluie, avec mes camarades de galère, j’ai découvert qui était François et j’ai cessé de l’appeler Delap’…