Chacun-e son Delap

Le Delap de Fredoc

20 juin 2025 | 2 minutes de lecture

Je ne sais plus si c’était fin 1985 ou en 1986, mais ce qui est sûr, c’est que c’était à SOS Racisme. Delap a pointé son nez. C’était le lycéen du Val d’Oise.

Il n’avait pas le profil du lycéen de banlieue qui débarquait d’habitude à nos réunions lycéennes, évidemment plus métissés, mais lui, c’était la banlieue des pavillons, des intellos, des fils de prof. Delap, c’était le gars improbable avec ses lunettes sécurité sociale, qui passait ses week-ends à jouer à Diplomatie pendant que nous on préférait faire la fête et qui arrivait même sous la pluie sur sa mobylette.

A l’époque, j’étais lycéen, au lycée Montaigne, dans le sixième arrondissement.

Un monde semblait nous séparer. Mais on est devenu assez vite amis parce qu’on partageait plein de choses en commun : le combat antiraciste d’abord, Puis le combat politique : en bons marxistes nous avions rejoint l’aventure de tenter de faire émerger un courant de gauche au sein du mouvement socialiste : ce fut d’abord QS, puis la NES, la GS…

Puis, il y a eu le mouvement de contre le projet Devaquet, la fondation de La FIDL en 1987, dont j’ai été le premier président, et où il m’a succédé en 88.

Après les choses se sont enchaînées dans les orgas de jeunesse comme on disait à l’époque, SOS, le BN de l’UNEF-ID, le BN du MJS … réunion, tracts, manif, collage, AG, débrayage, congrès… l’activité militante nous dévorait : les années 90 ont été celles de l’ascension puis de l’hégémonie de la GS dans les milieux et les mouvements de jeunesse. Mais Francois, c’était aussi un intellectuel, il était d’ailleurs un des rares de notre bande à être à Science-Po. Le plaisir de militer avec avec lui, c’était d’abord de refaire le monde dans des discussions passionnées, de pouvoir avoir des débat jusqu’au bout de la nuit autour d’un texte de Lénine, de Marx ou de Luckacs.

On est devenu de vrai amis. On partait ensemble en voyages en vacances, durant lesquelles il épluchait l’intégralité des guides touristiques afin de dégoter les restaurants au meilleur rapport qualité-prix, les plus beaux monuments à voir. On passait les week-end à dîner chez les uns et chez les autres, à jouer au poker avec Pascal et avec Patou…

Après le 21 avril 2002, les choses sont devenues plus compliquées. Même si en 2005, nous avons combattu ensemble pour le Non, chacun est parti sur des chemins politiques différents, Delap s’est rapproché de Jean-Luc, qui le fascinait intellectuellement et a fini par embrasser totalement l’aventure escarpée que celui-ci proposait, je suis resté dans un chemin plus rectiligne, continuant ma trajectoire à la gauche du PS. On se voyait moins.

Jusqu’au bout, il est resté un militant intègre, faisant prévaloir la raison et sa dialectique sur sa vie et sur son engagement. Sa mort m’a profondément attristé. Et dix ans plus tard, je ne peux m’empêcher d’être triste.