Chacun-e son Delap

Le Delap de Fethi Chouder

20 juin 2025 | 4 minutes de lecture

François Delapierre… ce nom évoque des souvenirs politiques forts pour le militant que je suis.

La première fois que j’ai entendu parler de François, c’était en début d’année 2012, alors que je venais d’adhérer au Parti de Gauche. Je le voyais extrêmement investi, délivrant une énergie colossale pour piloter la campagne de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle. Le voir être capable de mettre en dynamique cette séquence politique avec la virtuosité d’un chef d’orchestre, cela en était presque intimidant.

Dans le sillon et dans la continuité de l’élection présidentielle, le Parti de Gauche commença à se structurer en Seine-Saint-Denis, sous l’impulsion notamment de Franck Boissier, un ami et camarade, qui venait d’emménager à Montreuil.

Franck, qui était un ex-essonnien, avait développé un sentiment mêlé d’admiration, de reconnaissance et de fraternité pour François. C’est par le biais de cet homme, que je ne remercierai jamais assez pour la confiance accordée et pour la bienveillance manifestée à mon égard, que j’ai eu le récit des qualités humaines et politiques de François et de nombreuses aventures politiques qui ont structuré mon parcours politique.

Puis un jour, alors que je me retrouvais dans une situation délicate avec les communistes d’Aubervilliers dans le cadre des négociations pour les municipales, Franck m’informa que François avait appelé les camarades du Parti de Gauche à participer à sa campagne à Sainte-Geneviève-des-Bois, et m’avait conseillé d’y participer, et de profiter de l’occasion pour faire plus ample connaissance avec lui et pour lui parler de la situation.

J’ai décidé de suivre ce conseil, et avec 2 camarades d’Aubervilliers, nous avons participé à un après-midi de campagne intense durant lequel nous avons effectué tractage et porte-à-porte. Ce moment militant nous aura aussi permis de connaître des camarades de valeur tels que Helen Gildas-Duclos, Pascale Prigent, ou David Ammar.

En fin de journée, il insista vivement pour que l’on continue à échanger autour d’un diner chez lui, ce qui nous permis également de faire la connaissance de Charlotte Girard.

L’accueil fut chaleureux et la discussion passionnante, et j’ai pu cerner l’intelligence politique et le savoir de l’homme. Vers la fin du dîner, il me questionna sur Aubervilliers et sur la façon dont s’y préparait l’élection municipale.

Je lui fis le récit des difficultés rencontrées, et il m’écouta avec une oreille attentive, gardant le silence tout au long de mon exposé.

Arrivé à la toute fin de la soirée, je me dis que mes propos ne l’avaient pas du tout inspiré et qu’il n’allait me donner aucun conseil ni me livrer la moindre analyse. Pas du tout. Il me lança soudainement :

« Le problème et la solution chez toi, à Aubervilliers… C’est l’aile orthodoxe du PC ! »

J’étais surpris de cette réflexion, et pas sûr de ce que j’avais entendu, je lui demandai de se répéter. Il compléta alors sa réponse : « L’aile orthodoxe du PC, les karmanistes… il est probable que contrairement à ce que te dit votre tête de liste, la clé se trouve chez eux ! N’oublie pas que chez vous, et tu le sais mieux que moi, l’histoire du PCF est un peu particulière et se nourrit de divisions entre le canal historique et le groupe karmaniste. Du coup, il ne faut pas être manichéen, et te situer au-dessus de la mêlée. Voilà donc ce que je te conseille…»

Il se mit pendant 10 minutes à m’expliquer, avec un niveau de passion et de connaissance que j’ai rarement vu chez un homme politique, ce qu’il fallait faire selon lui. Il m’impressionna par la finesse de ses analyses et par la cohérence de ses raisonnements. De toute ma vie, un seul homme m’avait fait un effet d’une puissance similaire, c’était le communiste Jack Ralite.

Je lui dis que je trouvais la stratégie proposée pertinente, mais que je ne savais pas si j’avais ce qu’il fallait pour réussir à la mettre en œuvre.

Avec son fameux sourire en coin légendaire : « Mais dis-moi, Fethi, tu es jeune, intelligent, éloquent : pourquoi tu n’y arriverais pas ? Moi, je crois en toi. ».

François, c’était l’alliance de cette bienveillance tranquille et de cette intelligence stratégique remarquable qui vous donnait la force de sortir la meilleure version de vous-même. En appliquant ce qu’il m’a dit, j’ai pu obtenir des résultats dans les négociations qui sont allées au-delà de mes espérances.

J’attendais avec impatience l’université d’été 2014 du Parti de Gauche pour pouvoir le remercier et fêter cette victoire à laquelle il avait contribué de façon importante. Malheureusement, cette université d’été s’est ouverte sur l’annonce déchirante de sa maladie, et je n’ai jamais pu le revoir.