Le Delap de Félicie Delapierre
Le 20 juin, plus tard dans la journée, mon monde s’écroule. Mais je ne le sais pas encore, pour l’instant je profite du spectacle de danse de Valentine. Elle danse bien Valentine, elle est trop forte ! J’ai hâte de raconter ça à Maman et Papa !
Je ne le sais pas encore mais je ne le raconterai jamais à Papa.
Mamiche nous a raccompagné à la maison ce jour là. Il y a une ambiance bizarre dans la voiture mais je ne m’en préoccupe pas. Mamiche nous regarde avec compassion, mais je ne m’en préoccupe pas. On rentre. Martine et Cosima viennent à la maison. Je ne sais pas pourquoi elles sont là mais je les aime bien. A un moment Mamiche nous dit d’aller sur le canapé et Maman arrive. Maman est bizarre, elle n’a pas l’air bien. Mais elle vient nous voir et parle très calmement : « Vous vous souvenez du film « Le chant de la mer » ? Il vous avait rendu très tristes parce que la maman meurt. Et bien c’est un peu ce qui nous arrive parce que Papa est mort ce matin. »
Je ne comprends pas tout de suite, trop jeune sans doute. Mais tout va très vite. Valentine monte dans notre chambre en courant. Martine et Mamiche montent à sa suite. Mais moi je reste là. Je regarde Maman sans comprendre.
Le 25 juin 2015, avec Maman et Valentine on va à la chambre mortuaire de la Salpêtrière. Au début Maman ne veut pas qu’on entre. Mais on insiste, alors elle dit oui. Maman et Valentine entrent. Elles prennent du temps moi aussi je veux voir ! Enfin elle sortent ! Je cours vers Maman et on y entre toutes les deux. La salle « Capucine ». Comme la fille de Cosima ! Dans la salle il y a une boîte en bois. On s’approche puis je le vois. Mon Papa, il est là.
Ensuite on reprend la voiture pour aller au Père Lachaise. Au funérarium. Il y a plein de gens. Énormément de gens. Mamé pleure. Tout le monde pleure. Moi je suis sur les genoux de Katy. Maman parle devant tout le monde. Et là, je craque. Un pleur retentit dans la grande salle. Et je ne m’arrête plus. Je vide cette peine contenue par l’incompréhension pendant ces 5 jours. Pendant cette année de combat contre cette tumeur. Mon désespoir coupe la parole à Maman. Alors les filles de Cosima sortent avec Valentine et moi.
Moi mon Delap c’est mon Papa. Mon Papa qui me faisait des guilis dans le canapé. Mon Papa qui me faisait rire. Mon Papa qui m’emmenait à l’école pour les rentrées. Mon Papa qui me rassurait. Mon Papa qui a toujours été là. Mon Papa qui m’a donné la vie.
Mon Papa.