Chacun-e son Delap

Le Delap de Christiane Chombeau

9 juin 2025 | 4 minutes de lecture

Il m’a été demandé d’écrire un texte pour évoquer « Mon Delap »… Delap pour Delapierre! C’est vrai que beaucoup utilisaient cette expression familière. Pour moi il n’y avait que « François » : un homme, un militant que j’admirais et respectais.

Je n’ai jamais accepté sa disparition. Il suffit d’évoquer son nom pour qu’une foule d’images se bousculent dans ma tête :

Celle des derniers adieux. Une magnifique cérémonie qui a réuni sa famille, ses amis, ses camarades de lutte et le premier d’entre eux, Jean-Luc Mélenchon. J’ai encore sur mon bureau le faire-part et le petit livret de chansons conçus par l’équipe de À Gauche dont j’étais membre. J’entends encore les chants (Le Drapeau rouge, Grândola, Vila Morena…) et ce cri d’adieu « François Delapierre ? » « Présent. » « Présent et pour toujours », repris par une longue chaîne humaine.

Sur ce faire-part et ce livret une photo de François souriant et regardant vers l’avenir, comme il l’a fait jusqu’à son dernier souffle. Et de cela je peux en témoigner.

Je le vois chez lui, ne pouvant plus se déplacer, incapable d’écrire, mais tenant à livrer chaque semaine l’édito d’À Gauche qu’il dictait à sa merveilleuse femme, Charlotte.

Lors de mes visites, un air de musique classique m’accompagnait jusqu’à la porte en partant. Il aimait cette musique. Une passion partagée avec Charlotte.

Sur une de mes photos, on les voit tous les deux en vacances dans le sud de la France, portant de larges chapeaux, heureux et souriants. Un beau souvenir commun comme ces repas qu’il aimait préparer et ces mets qu’il faisait goûter.

Érudit, il n’avait de cesse d’apprendre, il s’était mis au chinois et au coréen.

Humain, il m’avait montré son soutien lorsque j’ai traversé une période difficile dans ma vie. Plus tard, j’ai pu l’aider à mon tour. Nous étions en Bureau national quand son insistance à se frotter les yeux m’a intriguée. Dès que nous nous sommes parlés au téléphone je lui ai demandé ce qu’il se passait. Il m’a dit avoir des problèmes de vision et ne pas parvenir à obtenir un rendez-vous rapidement. Je l’ai alors dirigé vers un ophtalmologue que je connaissais et qui a pu le prendre tout de suite. Mais son trouble ne venait pas des yeux !

Il était simple et plein d’humour. Ce fut un plaisir de l’aider dans des campagnes électorales qu’il savait pourtant perdues d’avance. D’abord dans les Yvelines puis à Sainte Geneviève des Bois où il avait installé sa famille.

Nous étions un certain nombre à vouloir qu’il se présente dans une circonscription gagnable mais il hésitait : était-ce bien là qu’il serait le plus utile pour le parti ? Il avait tant à faire ! Malgré ses multiples tâches il était attentif aux militants. Et là encore je peux en témoigner.

Lors des régionales de 2010 François avait, avec l’accord de Jean-Luc Mélenchon, œuvré pour que le Parti de Gauche se présente à nouveau avec le PCF, dont Marie-George Buffet était la secrétaire nationale, sur des listes Front de Gauche.

Chacun des partenaires avait nommé des chefs de file et des premiers de liste dans les départements. J’avais accepté d’être chef de file dans l’Oise, juste derrière le premier de liste, un communiste. Un autre communiste était tête de liste dans la Somme et une représentante du PG l’était dans l’Aisne. François m’avait accordé sa confiance pour mener les discussions sur l’élaboration des listes dans cette région picarde. Je lui faisais un compte-rendu chaque jour et parfois plus. Cette confiance et ce soutien m’ont donné la force de supporter les insultes et le sexisme du représentant de la Somme. Mais aussi de retenir la candidate de l’Aisne qui s’apprêtait à rejoindre la liste PS vainqueur du scrutin.

François a été un excellent formateur pour la journaliste que j’étais. Je n’avais jamais adhéré à un parti politique avant de prendre ma carte en 2008. Je repense avec nostalgie aux réunions du secrétariat national et du bureau national ainsi qu’à celles du pôle technique médias. Dans ce pôle, je représentais la presse écrite. Dans un premier temps pour Vie de Gauche dont j’étais la rédactrice en chef sous le pseudo Garance Avanti. François en était le directeur de la publication. Le premier numéro porte la date du 19 décembre 2008 ! Le point de départ d’une belle aventure. J’ai dû abandonner Vie de Gauche pour mieux me consacrer au site internet du PG que l’on m’a confié et à À Gauche.

François, lui, s’occupait aussi, avec d’autres camarades, de multiples différentes publications.

J’ai très rarement connu des échanges aussi riches et formateurs que lors de ces réunions dites techniques. Elles commençaient par un point politique. Tout le monde pouvait donner un éclairage et développer un sujet d’actualité qui lui semblait important. On en ressortait plus forts et déterminés. Heureux d’être ensemble et de ces échanges.

44 ans, c’est trop tôt pour mourir François !