Le Delap de Brigitte Blang
On me dit « C’est facile, tu verras. C’est chacun son Delap. »… Ben oui, mais je crois bien ne l’avoir jamais appelé comme ça. C’était, ça sera toujours François.
Depuis ce jour-là, à La Rochelle, où on avait râlé ensemble parce que certains faisaient siffler Chevènement, pour cause de candidature indésirable.
Et il y eut toutes les autres fois.
Je me souviens…
Strasbourg, les formations. Et quand il parlait, François, soudain, tu te sentais moins bête, puisque tu avais tout compris de ce qu’il avait dit. Avec lui, pas de vérité révélée, ni assénée. Juste des pistes pour trouver la méthode. De l’éducation populaire au sens réel du mot. Une fois, c’était la bataille culturelle, qu’il fallait gagner. Une autre, les ateliers de lecture, le fichu traité qu’on allait virer, c’était sûr. Je me souviens lui avoir raconté les difficultés d’être une enseignante à la conscience laïque chevillée au cœur dans une région concordataire. Je me souviens, comme il était attentif François, le coude posé sur la table, le menton dans la main, si attentif. La belle impression qu’il t’écoutait. C’est si rare en politique. Et si précieux. Je me souviens, au repas, on avait parlé de Ferdinand Buisson. Qui d’autre que lui m’a jamais parlé de Buisson ? Pas que Strasbourg d’ailleurs… Il y avait eu aussi Firmi. Le printemps des services publics. Devinez de quoi on avait parlé sous une averse de neige fondue ? De Mozart ! Et d’un pianiste russe qui faisait des merveilles avec ses mains, comme François avec ses mots. Et Lille, en train cette fois. Et ce meeting de Metz. Mais oui, disait-il, tout ira bien tu verras, tu n’as rien oublié, tout est en ordre. Même si…
François, il m’a appelée un jour. Pour me demander d’écrire dans le journal. Dans SON journal. L’air de rien, il m’avait entendue parler de forêt à la pause un jour de BN. Et il pensait que ça pourrait être intéressant, de me laisser raconter les luttes, les colères de mes copains de l’ONF, les enjeux de service public, et aussi d’écologie et de bien commun. Et pendant que j’y serai, tiens, des « Une date, un jour », ce serait bien aussi. Ça m’a fait bizarre. Si si ! Enfin, quand même, j’étais qui pour oser poser mes pauvres lignes sous ses mots à lui, si brillants, si intelligents ? Mais non, pas moi, je ne saurais pas. Lui, il prétendait que si. Alors je me suis lancée. François, il te donnait confiance. Et ça n’avait pas de prix. Je n’ai jamais regretté. Je me souviens… Il y eut alors ce jour auquel on n’a pas cru. Ça a fait comme qui dirait un vide. Un vide jamais comblé. Souvent, je reprends ses quelques dédicaces. Si justes, si indulgentes… Et que je ne partagerai pas. Elles sont à moi, vous comprenez. Et depuis, je me demande chaque jour ou presque « ce qu’il dirait, François »… Et comme je n’ai pas de réponse, je regarde toutes ces photos de Rémy prises ici et là, un peu partout, et ce sourire, vous le voyez, ce fameux sourire ?
Et je me dis, ce sourire, cet œil qui frise, c’est cela qui nous manque !